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Crise aiguë thyrotoxique


Spécialité : endocrinologie /

Points importants

  • La crise, ou orage thyrotoxique, est une urgence exceptionnelle,mettant en jeu le pronostic vital.
  • Ses signes sont bruyants mais aspécifiques, faisant errer le praticien vers d’autres diagnostics plus fréquents.

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS 

  • Asthénie
  • Nervosité
  • Baisse de la libido
  • Thermophobie
  • Dyspnée
  • Anorexie (chez le vieillard ou dans les formes évoluées)

CONTEXTE 

Terrain 

  • Femme jeune ou d’âge moyen
  • Dysthyroïdie connue
  • Post-partum

Traitement

  • Amiodarone
  • Interféron α

Circonstances de survenue 

  • Errance diagnostique prolongée d’hyperthyroïdie
  • Evénement intercurrent sur une hyperthyroïdie insuffisamment traitée (sepsis, intervention chirurgicale,…)

EXAMEN CLINIQUE 

Dénotant une thyrotoxicose grave 

  • Tachycardie (>140 bpm) et/ou
  • Fibrillation auriculaire rapide et/ou
  • Déshydratation et/ou
  • Insuffisance cardiaque et/ou
  • Hyperthermie et/ou
  • Troubles de la conscience :
    • agitation
    • délire, ou état stuporeux
    • coma

Evoquant une thyrotoxicose

  • Amaigrissement avec conservation de l’appétit
  • Tremblement
  • Hypersudation
  • Prurit
  • Faiblesse musculaire allant jusqu’à la myopathie
  • Paralysie périodique
  • Dysménorrhée
  • Gynécomastie

Orientant sur la thyroïde 

  • Présence d’un goitre
  • Exophtalmie
  • Rétraction de la paupière supérieure
  • Paralysie oculomotrice
  • Douleur cervicale ou ATCD récent de douleur cervicale

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES   

  • SpO2
  • ECG pour apprécier le retentissement cardiaque

CIMU

  • Tri 2 ou 3

Signes paracliniques

 

BIOLOGIQUES 

  • Ionogramme (hypokaliémie
  • Glycémie (hyperglycémie)
  • Calcémie (hypercalcémie)
  • Urée, créatinine, CPK (myolyse)
  • Bilan hépatique
  • NFS, plaquettes (anémie, thrombopénie)
  • Hémostase : avant anticoagulation (trouble du rythme)
  • Hémocultures : recherche systématique d’un sepsis
  • Bandelette urinaire, ECBU : recherche d’un sepsis
  • PL lorsqu’on évoque un diagnostic différentiel.
  • Hypocholestérolémie
  • Déshydratation
  • Syndrome inflammatoire

IMAGERIE 

Radiographie de thorax 

  • Recherche d’une compression trachéale par un goitre
  • Appréciation du retentissement cardio-pulmonaire

Echographie cardiaque dans le bilan de l’insuffisance cardiaque

Diagnostic étiologique

Prélever : TSH (effondrée) et T4 libre (élevée)

Si bilan étiologique de l’hyperthyroïdie non fait précédemment 

  • Ac anti-thyroperoxydase, anti-récepteurs à la TSH
  • Scintigraphie au Tc99 (sauf si charge iodée préalable)
  • Iodurie des 24 h
  • Echographie thyroïdienne, en cas de palpation difficile

Rechercher une cause déclenchant l’orage thyrotoxique

Diagnostic différentiel

  • Fièvre et trouble de la conscience : méningo-encéphalite
  • Trouble du rythme et insuffisance cardiaque, fièvre : endocardite, Béribéri, myocardite
  • Diarrhée, fièvre, déshydratation : diarrhées invasives

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Equilibration hydro-électrolytique
  • Ralentissement cardiaque
  • Anticoagulation du trouble du rythme
  • Sédation
  • Antithyroïdiens de synthèse (ATS)
  • Blocage de la thyroïde par l’iode, pour agir vite, à ne commencer qu’après la première prise d’ATS
  • Corticothérapie utilisée en cas de nécessité de préparer  à une thyroïdectomie en urgence
  • Traitement de la cause déclenchant la crise

Suivi du traitement 

  • Hémodynamique et rythmique. Attention, on utilise au début des doses massives de bêta bloquants et de digoxine. Il y a un risque de surdosage et de défaillance cardiaque
  • Neurologique
  • Electrolytique
  • Dosage de la digoxinémie
  • Dépistage d’une agranulocytose des ATS
  • Dosage de la T4, une fois par semaine (pas de la TSH qui met plus d’un mois à se modifier)

MEDICAMENTS 

  • Propranolol 40 à 60 mg per os 6 fois/j ou 1mg IV 6 fois
  • Digoxine au double de la dose habituelle si ACFA rapide (surveiller taux sérique)
  • Héparine à dose hypocoagulante
  • Benzodiazépines sédatives, utiliser celle que l’on a l’habitude de manier
  • ATS : PTU (propyl-thio-uracile) 200mg x 4 po (ou par sonde gastrique) ou Carbimazole 20-40 mg x 4 po (ou par sonde gastrique)
  • Lugol 5% 10 gouttes 2 fois/j pendant quelques jours ou INa (iopodate) 1g IV 1 à 2 fois seulement
  • Prednisone ou équivalent, 1 à 2 mg/kg si indiqué

Surveillance

CLINIQUE 

  • Scope
  • FC, PA, FR, SpO2, ECG et conscience

PARACLINIQUE 

  • Ionogramme, NFS, plaquettes, digoxine, T4 (éventuellement T3)

Devenir / orientation

CRITERES D’ADMISSION

En réanimation

  • Instabilité hémodynamique
  • Trouble du rythme rapide
  • Trouble de la conscience
  • Effets indésirables du traitement

En service de médecine spécialisée après les premiers jours dans une structure de type soins continus

Mécanisme / description

 

METABOLISME 

  • La sécrétion des hormones thyroïdiennes est sous la dépendance de l’axe hypothalamo-hypophysaire
  • La TRH hypothalamique stimule la sécrétion de TSH produite par l’hypophyse antérieure
  • La TSH active toutes les étapes du métabolisme des hormones thyroïdiennes
  • L’iode est l’élément constitutif des hormones thyroïdiennes : T3 (triiodothyronine) et T4 (tétraïodothyronine ou thyroxine). Ces hormones agissent sur le système nerveux central, le squelette, la production de chaleur, elles stimulent la glycogénolyse et la néoglucogenèse, accélèrent le catabolisme du cholestérol, agissent sur le métabolisme protidique et ont une action directe sur le myocarde
  • Les hyperthyroïdies sont le fait d’une sécrétion primaire trop importante d’hormones thyroïdiennes par la thyroïde. En raison du rétrocontrôle, la TSH est effondrée. La première cause de loin, est la maladie de Graves-Basedow, suivie du goitre multinodulaire toxique (surtout au-dessus de 50 ans) et de l’adénome toxique. Les hyperthyroïdies par hypersécrétion de TSH sont anecdotiques

PHARMACODYNAMIE 

  • Les antithyroïdiens de synthèse bloquent la synthèse des hormones thyroïdiennes. Leur effet n’est perceptible qu’au bout de quelques semaines, le temps que les hormones circulantes et les stocks intrathyroïdiens d’hormones soient éliminés
  • Le PTU, bien que d’action un peu plus lente que les autres ATS, a l’intérêt de bloquer la transformation périphérique de T4 en T3 qui est l’hormone active. Le PTU n’est disponible que dans les pharmacies hospitalières. Sa demi-vie courte oblige des prises répétées
  • Tous les ATS ont pour effets secondaires possibles des réactions cutanées et surtout une agranulocytose brutale, imprévisible
  • L’iode (Lugol solution buvable, INa solution injectable) est actif rapidement : il bloque l’hormonosynthèse et la sécrétion hormonale

Bibliographie

  • Cooper SD. Hyperthyroidism. Lancet 2003 ; 362 : 459-68.
  • Orgiazzi J. Signes et symptômes de la thyrotoxicose. In : Leclère J, Orgiazzi J, Rousset B, Schlienger JL, Wémeau JL. La thyroïde. Paris, Elsevier 2001 : 388-392.
  • Prescription des examens biologiques explorant la fonction thyroïdienne chez l’adulte en fonction des circonstances cliniques et de prise en charge du patient. Presse Med 2001 ; 30 : 686-92.
  • Smallridge RC. Metabolic and anatomic thyroid emergencies : A review. Crit Care Med 1992 ; 20 : 276-291.

Auteur(s) : Marc ANDRONIKOF

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