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Hématémèse


Spécialité : gastro-enterologie /

Points importants

  • Une des principales urgences digestives
  • Mortalité de 5 à 20 % en fonction de la cause
  • Sa prise en charge en urgence doit être simultanément celle d’une hypovolémie hémorragique non spécifique et d’une démarche diagnostique et thérapeutique spécifique liée à la cause de l’hémorragie
  • Evaluer l’importance de l’hémorragie sur la clinique et l’évolution
  • Différencier rapidement les hématémèses sans et avec hypertension portale

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS 

Signes générauxliés à l’hypovolémie hémorragique 

  • Signes de choc
  • Malaise lipothymique
  • Agitation psychomotrice
  • Hyperventilation

Saignement extériorisé

  • Objectiver l’hématémèse éventuellement accompagnée d’un méléna

CONTEXTE 

Terrain 

  • Ethylisme chronique

Traitement usuel 

  • AINS
  • Traitements anti thrombotiques, aspirine, anticoagulants

Antécédents

  • Cirrhose, hypertension portale, varices oesophagiennes
  • Ulcère gastroduodénal, d’autant plus qu’il y a la présence d’Helicobacter Pylori
  • Prothèse aortique (2 à 4 % des porteurs d’une prothèse aortique feront une fistule aorto-duodénale)
  • Hernie hiatale (ulcère du collet ou oesophagite)

Facteurs de risque

  • Vomissements itératifs
  • Intoxication éthylique aiguë (favorise toutes les causes)

Facteurs de comorbidité 

  • Coronaropathie
  • Hépatopathie
  • Insuffisance rénale
  • Insuffisance respiratoire
  • Age > 60 ans

Circonstances de survenue

  • Quand, depuis quand ?

EXAMEN CLINIQUE 

Appréciation de l’abondance d’une hémorragie

Signes de choc hypovolémique 

  • Tachycardie (attention, signe absent si prise de Béta bloquants)
  • PA normale ou basse avec différentielle pincée (rechercher une hypotension orthostatique)
  • Marbrures
  • Oligo-anurie (urines concentrées donc foncées)
  • Soif
  • Sueurs
  • Extrémités froides

Reconnaître les signes cliniques de cirrhose 

  • 2 des signes suivants :
    • ascite
    • ictère
    • circulation veineuse collatérale
    • plus de 2 angiomes stellaires
    • encéphalopathie
    • foie ferme

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • ECG
  • Hémoglobine capillaire (attention, peut être normale = sous-estimation de l’anémie à la phase initiale)
  • SpO2

CIMU

  • Tri 1 à 3 en fonction de la gravité
  • La gravité de l’hémorragie est déterminée par :
    • l’abondance
    • le carctère actif du saignement
    • le terrain

Signes paracliniques

BIOLOGIQUES 

  • Faire : groupe Rh, RAI, NFS, TP, TCA, Fibrinogène, ionogramme sanguin, urée, créatininémie, bilan hépatique
  • Hémoglobinémie (reflet retardé de la perte sanguine de 4 heures)
  • Hématocrite

IMAGERIE 

  • La fibroscopie oesogastroduodénale est l’examen clé 

FACTEURS PRONOSTIQUES

Des Ulcères

  • Age
  • Choc initial
  • Récidive hémorragique
  • Pathologie associée
  • Signes endoscopiques
  • Scores cliniques : Goldman

De l’hémorragie du cirrhotique

  • Age
  • Encéphalopathie hépatique
  • Carcinome hépato-cellulaire
  • Score de Child-Pugh
  • Insuffisance rénale
  • Récidive précoce
  • Infection

Diagnostic étiologique

  • Ulcère gastroduodénal (35%)
  • Rupture de varices oesophagiennes (30%)
  • Gastrite hémorragique et duodénite aiguë (15%)
  • Oesophagite peptique (5 %), favorisée par la présence d’une hernie hiatale
  • Syndrome de Mallory-Weiss (5 %)
  • Tumeur gastrique (5%)
  • Autres lésions (5%) :
    • ulcération simplex de Dieulafoy
    • hémobilie
    • wirsungorragies
    • fistules aorto-duodénales
    • anomalie vasculaire (maladie de Rendu Osler ou angiodysplasie gastro-duodénale)
  • Dans 5 % des cas on n’observe aucune lésion

Diagnostic différentiel

  • Epistaxis postérieur
  • Hémoptysie
  • Occlusion haute (vomissements noirâtres)

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale 

  • Pose d’une VVP (deux cathéters de 14G minimum si hémorragie abondante)
  • Remplissage :
    • choix du produit en fonction de l’abondance estimée des pertes :
      • < 800 mL cristalloïdes
      • > 800 mL : colloïdes (aucune étude n’a prouvé sa supériorité par rapport aux cristalloïdes)
      • tranfusion de culots globulaires :
        • pertes > 1500 mL
        • Hb < 7 g/dL
        • Hb < 10 g/dL  si coronaropathie 
        • But : maintenir un hématocrite > 25%
    • Volume de remplissage en fonction de la PAS :
      • Objectif : 100 à 110 mmHg (pas plus)
      • pour les cirrhotiques (risque sinon d’augmenter la pression portale et le saignement)
  • Pose d’une sonde naso-gastrique :
    • si l’hématémèse n’est pas objectivée (à visée diagnostique)
    • pour suivi de l’activité de saignement
    • si vomissements
    • pour préparer l’endoscopie
    • les varices oesophagiennes ne constituent pas une contre-indication
  • Utilisation de vasopresseurs chez les patients cirrhotiques (somatostatine, octréotide ou terlipressine) dès que le diagnostic de rupture de varices oesophagiennes est suspecté
  • Injection IV d’un Inhibiteur de la pompe à proton 
  • Oxygénothérapie si hypoxie
  • Erythromycine pour préparer l’endoscopie (activité prokinétique de l’estomac)

Suivi du traitement

  • Antibiothérapie probabiliste préventive par fluoroquinolone (norfloxacine 400 mg x 2/j pendant 7 jours) chez les cirrhotiques lors de l’hospitalisation
  • Prévention de l’encéphalopathie hépatique :
    • Lactulose PO ou par SNG
  • Endoscopie digestive haute :
    • intérêt diagnostic (modification du traitement médicamenteux en fonction de la lésion visualisée)
    • geste hémostatique :
      • Hémostase par adrénaline, mécanique (clip) ou thermique des ulcères
      • ligature de varices oesophagiennes
  • Traitements de sauvetage :
    • en cas de cirrhose :
      • sonde de Blakemore, si échec des vasopresseurs, en attente de la fibroscopie
      • shunt porto-systémique : alternative à la chirurgie lorsque l’hémorragie récidive après traitement vasopresseur et endoscopique. Nécessite une équipe radio interventionnelle
    • en cas d’ulcère, chirurgie indiquée si :
      • hémorragie massive
      • état de choc initial
      • échec du geste d’hémostase endoscopique
      • taille importante de l’ulcère (> 2cm)
      • position bulbaire postérieure
      • âge élevé du malade
      • Terrain fragile

MEDICAMENTS 

  • Vasopresseurs :
    • octréotide (Sandostatine ®) : 25 µg/h en IVSE
    • somatostatine : 0,25 mg/h en IVSE après un bolus IV de 0,25 mg
    • ou terlipressine IV (vasoconstriction artérielle splanchnique) 1mg (si < 50kg), 1,5 mg (si 50-70 kg), ou 2 mg (> 70 kg) toutes les 4 heures
  • Inhibiteur de la pompe à proton :
    • oméprazole, pantoprazole 40 mg IV puis  8 mg/h IVSE pendant 72 h pour un ulcère hémorragique
  • Erythromycine : 250 mg IVL en 30 min, 15 à 30 min avant la FOGD
  • Lactulose

Surveillance

  • Surveillance de l’activité hémorragique 

CLINIQUE 

  • Critères hémodynamiques
  • Volume du remplissage et des culots transfusés
  • Volume du lavage gastrique pour obtenir un liquide clair (si lavage réalisé = toutes les 1/2h)

PARACLINIQUE 

  • Hématocrite
  • Hémoglobine capillaire (valeurs retardées)

Devenir / orientation

CRITERES D’ADMISSION

  • Hospitalisation en service de gatro-entérologie
  • Hospitalisation en soins intensifs ou réanimation si :
    • choc initial
    • hémodynamique instable
    • autre défaillance viscérale (insuffisance rénale, décompensation oedémato-ascitique…)
    • hémorragie active
    • siège de l’ulcère (face postérieure du bulbe, partie haute de la petite courbure gastrique)
    • ou stade 1 et 2 de la classification de Forrest

CRITERES DE SORTIE

  • Syndrome de Mallory Weiss ne vomissant plus, avec une hémodynamique parfaite et un bilan d’hémostase et numération normaux (après avoir éliminé une autre urgence liée à la cause ou à la conséquence des vomissements)
  • Ulcère à cratère propre sans pathologie associée et après 24 heures de surveillance

ORDONNANCE DE SORTIE

  • IPP double dose
  • FOGD en externe
  • Traitement spécifique ou symptomatique des vomissements

RECOMMANDATIONS DE SORTIE

  • En cas de malaise ou de récidive, consulter rapidement un médecin

Bibliographie

  • Amouretti M, Hochain P, Nousbaum JB et al. Epidemiology and course of acute upper gastro-intestinal Haemorrhage in four French geographical areas. Eur J Gastroenterol Hepatol 2000; 12:175-81.
  • Coffin B, Pocard M, Panis Y et al. Erythromycin improves the quality of EGD in patients with acute upper GI bleeding : a randomised controlled study. Gastrointest Endosc 2002 ; 56 : 174-9
  • Pateron D., Chaillet M.,Debuc E.. Hémorragies digestives. Congrès national d’anesthésie et de réanimation 2007. Les essentiels. 477-486
  • D. Pateron Prise en charge des hémorragies digestives, monographie de la SFMU, Paris 2002, Ed Masson
  • Hochain P. Epidémiologie des hémorragies digestives aiguës. In Prise en charge des hémorragies digestives, Masson, Paris 2002.
  • Amouretti M, Czernichow P, Kerjean A et al. Prise en charge des hèmorragies digestives hautes communotaires. Gastroenterol Clin Biol 2000 ; 24 : 1003-11
  • Frossard JL, Spahr L, Queneau PE et al. Erythromycin intravenous bolus infusion in acute upper gastrointestinal bleeding : a randomized, controlled, double bllind trial. Gastroenterology, 2002 ; 123 : 17/23

Auteur(s) : Erwan DEBUC