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Méningites de l'enfant

Enfant
Spécialité : infectieux / neurologie / pédiatrie /

Points importants

  • Méningites bactériennes / méningites virales
  • Mortalité importante : 10% des méningites bactériennes (choc infectieux, hypertension intracrânienne HTIC)
  • Séquelles neurologiques sévères (retard mental, épilepsie, surdité, hydrocéphalie) dans 30% des méningites bactériennes
  • Urgence diagnostique : PL au moindre doute
  • Urgence thérapeutique :
    • si purpura fulminans : ceftriaxone 50 mg/kg en IV ou IM immédiatement
    • antibiothérapie le plus précocement possible, idéalement dans les 30 min après la PL et/ou 1-2 hémocultures en cas de contre-indication à la PL
  • La mise en œuvre d’une corticothérapie avant ou en même temps que l’antibiothérapie diminue les séquelles notamment auditives 

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS 

Chez l’enfant

  • AEG
  • Céphalées
  • Rachialgies
  • Nausées, vomissements
  • Constipation (signe tardif) ou diarrhées
  • Hyperthermie (souvent >  38,5°C)
  • Couché en chien de fusil, évitant le bruit et la lumière

 Chez le nourrisson 

  • Tableau polymorphe et trompeur :
    • somnolence, cris ou gémissements
    • refus du biberon
    • hypotonie
    • fontanelle bombée, anormalement tendue
    • symptomatologie digestive
    • convulsions

CONTEXTE 

Fonction du type de germe

  • Neisseria meningitidis (méningocoque) :
    • signes cutanéo-muqueux : rash cutané, purpura pétéchial, ecchymotique ou nécrotique
    • arthralgies
    • notion d’épidémie, de contage
  •  Streptococcus pneumoniae (pneumocoque) :
    • début brutal
    • recherche d’un terrain favorisant : enfant splénectomisé, drépanocytaire homozygote ou immunodéprimé
    • recherche d’une porte d'entrée ORL (rhinorrhée, otite, sinusite), pulmonaire ou ostéo-méningée (TC, chirurgie de la base du crâne)
  • Haemophilus influenzae :
    • âge < 5 ans et absence de vaccination
    • début souvent insidieux
  • Listeria monocytogenes :
    • enfant en dehors de la période néo-natale
    • état d’immunodépression
  • Virale (entérovirus) :
    • épidémies estivales ou automnales

 Facteurs de risque

  • Déficit en complément, polymorphismes du TN-R, Mannose-Binding Lectin Protein, Plasminogen Activating Inhibitor-1, etc. favorisant la survenue d’une forme sévère de purpura fulminans

 Circonstances de survenue

  • Parfois survenue de foyers épidémiques

EXAMEN CLINIQUE 

Examen réalisé sur un enfant dénudé, au calme, en présence de ses parents

  • Chez le nourrisson et le petit enfant :
    • hypotonie
    • fontanelle bombée
    • survenue d’une convulsion dans un contexte fébrile chez un nourrisson de 9-12 mois
  • Chez le grand enfant :
    • raideur de nuque
    • signe de Kernig (flexion des genoux si l’on fait asseoir l’enfant sur le lit)
    • signe de Brudzinski (la flexion passive de la nuque fait plier les genoux)

 Recherche systématique d’un purpura fulminans

  • Purpura comportant au moins un élément nécrotique ou ecchymotique, de diamètre ≥ à 3 mm

 Recherche de signes de rhombencéphalite

  • Atteinte des paires crâniennes, syndrome cérébelleux : en faveur d’une méningite à listeria monocytogenes

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES 

  • Monitorage de la FC et de la PA (bradycardie et accès d’HTA sont évocateurs d’HTIC), de la FR et de la SpO2, de la T° et de la glycémie (au moment de la PL)
  • Surveillance du Glasgow Coma Score – prudence si GCS < 12
  • Glycémie capillaire (si convulsion ou altération de l’état général)

CIMU

  • Tri 1 à 4 selon la gravité clinique (choc, HTIC)

Signes paracliniques

BIOLOGIQUES 

  • NFS (leucocytose à PNN)
  • Bilan de coagulation TP, TCA (CIVD)
  • CRP, PCT (syndrome inflammatoire, orientation vers une origine bactérienne ou non)
  • Ionogramme  sanguin (déshydratation par vomissements, hyponatrémie par SIADH)
  • Antigénémie pneumocoque (BinaxNow®)
  • Hémocultures :
    • quantite à prélver : 2 mL de sang si < 2 ans, 5 mL de 2 à 10 ans, 10 mL après 10 ans
    • systématique avant antibiothérapie (indispensable si contre-indication à la PL)
  • ECBU
  • PL (faire une glycémie capillaire au moment de la PL) 
    • _740 Tableau Normalité du LCR en fonction de l'âge
    • 3 tubes secs stériles (20 gouttes par tube) pour étude biochimique, cytologique et bactériologique (coloration de gram et mise en culture)
    • PCR méningocoque, PCR pneumocoque ou PCR universelle
    • antigènes solubles pneumocoque (BinaxNow®)
    • lactate
    • contre-indications à la PL si :
      • anomalie connue de l’hémostase, traitement anticoagulant efficace, suspicion clinique d’un trouble majeur de l’hémostase (saignement actif)
      • présence de signes d’engagement (mydriase unilatérale, hoquet, anomalies ventilatoires, mouvements d’enroulement, instabilité hémodynamique)
      • faire systématiquement des hémocultures en cas de contre-indication à la PL avant l’antibiothérapie

IMAGERIE 

Scanner cérébral avant la PL, uniquement si

  • Signes de localisation neurologique
  • Score de Glasgow < 12
  • Convulsion focale ou généralisée après l’âge de 5 ans ou si crise partielle hémicorporelle avant 5 ans
  • Le scanner ne doit jamais retarder l'antibiothérapie : débuter l’antibiothérapie dans l’heure qui suit l’admission, après hémoculture

 Indications d’imagerie cérébrale au cours du traitement

  • Persistance :
    • d’une fièvre > 38,5°C inexpliquée > 72h après le début d’un traitement antibiotique bien conduit (vérifier les posologies et le mode d’administration)
    • de céphalées
    • de troubles de conscience
    • d’une augmentation rapide du périmètre crânien
  • Survenue de nouveaux signes neurologiques :
    • crises convulsives
    • hémiparésie
    • paralysie des nerfs crâniens en dehors d’un VI isolé
    • accentuation des céphalées
    • modifications visuelles
  • L’imagerie doit être systématique :
    • en cas de méningite à pneumocoque chez l’enfant > 2 ans
    • ou si le sérotype incriminé était inclus dans le vaccin reçu
    • en cas de méningite à bactérie inhabituelle (Staphylocoque, Entérobactérie…) ou polymicrobienne (sinus dermique)

 Radiographie pulmonaire 

  • Recherche d’une pneumopathie (retrouvée dans 50% des cas des méningites à méningocoque ou à pneumocoque)

Diagnostic étiologique

MENINGITE VIRALE 

  • Entérovirus  majoritairement (caractère épidémique et estival)
  • CMV, EBV, VZV plus rarement
  • HSV rechercher des signes de méningo-encéphalite sauf chez le nouveau-né (méningite)

 MENINGITE BACTERIENNE

1er mois de vie 

  • Streptocoque du groupe B (60%)
  • E. coli (30%)

 2e  mois de vie 

  • Streptocoque du groupe B (50%)
  • E. coli (15%)
  • Méningocoque (15%)
  • Pneumocoque (10%)

 De 3 à 12 mois 

  • Pneumocoque (45%)
  • Méningocoque (40%)
  • Rarement : Streptocoque du groupe B, Haemophilus influenzae, E.coli

 Après 1 an 

  • Méningocoque
  • Pneumocoque
  • Haemophilus influenzae plus rarement

FACTEURS PREDICTIFS D’UNE MENINGITE BACTERIENNE VERSUS UNE MENINGITE VIRALE

Critères de Nigrovic (si aucun des 5 critères, très faible probabilité de méningite bactérienne)

  • Bactéries à l’examen direct et/ou détection d’antigènes solubles par BinaxNow® (test immuno-chromatographique pour le pneumocoque)
  • Protéinorrachie ≥ 0,8 g/L
  • Polynucléaires sanguins ≥ 10 000 mm3
  • Convulsions cliniques avant ou après l’admission
  • Polynucléaires LCR ≥ 1 000 mm3

 Critère supplémentaire Conférence de consensus

  • Faible probabilité de méningite bactérienne si lactate LCR < 3,2 mmol/L

 Critère ajouté par Dubos (Méningitest®)

  • Faible probabilité de méningite bactérienne si PCT < 0,5 µg/L 

Diagnostic différentiel

D’un nourrisson fébrile sans point d’appel clinique

  • Otite moyenne aiguë (savoir examiner un tympan – consultation ORL)
  • Pneumonie aiguë (demander une radio de thorax de face + profil si besoin)
  • Infection urinaire ou pyélonéphrite aiguë (demander une BU / ECBU)
  • Ostéomyélite/ostéo-arthrite aiguë (radio de squelette, échographie des articulations)
  • Virose, syndrome grippal (TDR virus respiratoires)

D’un syndrome méningé

  • Syndrome de Grisel (torticolis post-infectieux)
  • Abcès rétro-pharyngien
  • Tumeur de la fosse postérieure
  • Abcès intracrânien

 D’un LCR anormal

  • Hémorragie méningée qu’il faut distinguer d’une piqûre vasculaire au cours de la PL : prélever 3 tubes secs stériles (20 gouttes par tube), afin de pouvoir différencier une piqûre vasculaire (1er tube hémorragique) d’une hémorragie méningée (3 tubes hémorragiques)

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER

Si purpura fuminans 

  • Ceftriaxone 50 mg/kg en IV ou IM immédiatement

 Si sepsis sévère 

  • Remplissage vasculaire : NaCl 0,9% 20 mL/kg en 10 minutes, jusqu'à 3 fois si nécessaire
  • Catécholamines en perfusion IV continue

 Transport médicalisé

 Protection du personnel

TRAITEMENT INTRAHOSPITALIER

Corticothérapie

  • La dexaméthasone peut diminuer les séquelles auditives en cas de méningite bactérienne à H. influenzae et à S. pneumoniae, si elle était administrée par voie IV environ 15 min avant ou en même temps que la première injection d’antibiotiques. Elle doit être utilisée en cas de :
    • diagnostic confirmé de méningite bactérienne (Grade A) :
      • à S. pneumocniae (cocci G+ au direct et/ou  BinaxNow® positif dans le LCR)
      • ou à H. influenzae (bacille G- et/ou ag solubles + dans le LCR) chez l’enfant
    • diagnostic présumé de méningite bactérienne chez le nourrisson âgé de 2 à 12 mois chez qui le pneumocoque est le premier germe à envisager :
      • LCR trouble à la ponction lombaire
      • examen direct négatif (antibiothérapie préalable) mais forte suspicion de méningite bactérienne sur les autres données du LCR ou du sang
  • La corticothérapie n’est pas indiquée en cas de méningite suspectée ou confirmée à méningocoque chez l'enfant

 Antibiothérapie

  • Traitement de 1ère intention des méningites bactériennes en fonction de l’examen direct du LCR
  • Urgence absolue. Elle doit être instaurée, idéalement dans l’heure qui suit l’arrivée à l’hôpital, au plus tard dans les 3 heures : chaque heure qui passe sans antibiotique est marquée par une multiplication bactérienne exponentielle qui est responsable de l’augmentation des séquelles
  • Antibiothérapie initiale proposée chez l’enfant par le GPIP/ACTIV qui se démarque des recommandations adoptées par la Conférence de consensus sur les Méningites organisée par la SPILF 2008 

 Traitement symptomatique

  • Pas de restriction hydrique – perfusion 100mL/kg/24h de NaCl 0,9% ou de B26 (4g/L)/B46 (3g/L NaCl), afin de prévenir la survenue secondaire d’une hyponatrémie par SIADH éventuel
  • Maintien d’une normothermie < 38,5°C par paracétamol IV (15mg/kg/6h)

 Traitement des complications

  • Traitement des convulsions :
    • pas de bénéfice à un traitement préventif
    • antiépileptiques conventionnels : diazépam 0,3 à 0,5 mg/kg en IR  à renouveler une fois
  • Traitement de l’HTIC :
    • traitement de l’hypotension par remplissage vasculaire et inotropes
    • NaCl 0,9% : 20 mL/Kg en 10 min à renouveler une fois
    • si échec : noradrénaline : 0,05 à 1-2 µg/kg/min IVSE
    • surélévation de la tête à 20-30°
    • sédation
    • contrôle thermique
    • en cas d’engagement :
      • NaCl 10% 1 mL/kg en 10 min ou mannitol à 20% 2,5 mL = 0,5 g/kg IV en 20 min
      • intubation et ventilation mécanique (transfert en Réanimation)

 Adaptation de l’antibiothérapie en cas d’évolution défavorable

  • Si persistance de la fièvre > 38,5°C, apparition de nouveaux signes neurologiques
    • poursuite de la C3G et de la vancomycine à une posologie maximale
    • adjonction de rifadine® 10mg/kg/12h IV en deux perfusions d’1h30 dans les méningites à pneumocoque
    • il est recommandé de rechercher un foyer infectieux non drainé :
      • otite moyenne aiguë (30% des méningites à pneumocoque sont associées à une OMA) : paracentèse recommandée
      • mastoïdite aiguë : antibiotiques et drainage de l’oreille moyenne par paracentèse ; chirurgie indiquée si l’évolution n’est pas favorable > 48h
      • sinusite aiguë : drainage sinusien
      • en cas de mastoïdite ou de sinusite, adjonction de métronidazole : 10 mg/kg/8h en 3 perfusions d’1 heure

MEDICAMENTS

Antibiotiques

_741 Tableau Antibiotiques dans la méningite de l'enfant

Corticoïdes

  • Soludécadron® IV (1 amp = 1 mL = 4 mg) 0,15 mg/kg/6h par voie IV x 4 jours

Prophylaxie chez les sujets contacts

Pour la méningite à méningocoque 

  • Déclaration obligatoire
  • Antibioprophylaxie le plus précocement possible :
    • rifampicine pendant 2 jours :
      • adulte : 600 mg deux fois/j
      • enfant de 1 mois à 12 ans : 10 mg/kg 2 fois/j
      • nouveau-né : 5 mg/kg deux fois/j
      • CI : grossesse, maladie hépatique sévère, alcoolisme, porphyries, hypersensibilité à la Rifampicine
    • si contre-indication à la Rifampicine :
      • Spiramycine pendant 5 jours: adulte : 3 millions d'UI deux fois/j ; enfant : 75 000 UI/kg deux fois/j
      • ou alternativement : Ciprofloxacine en dose unique : adulte : 500 mg; enfant : 20 mg/kg (max 500 mg) PO

Vaccination possible pour les souches A et C 

Surveillance

CLINIQUE 

Réponse au traitement 

  • Etat de conscience
  • Apyrexie
  • Alimentation

PL à 36 - 48 heures

  • Objectif : stérilisation du LCR ?
  • Si l’évolution clinique est défavorable et que le scanner n’explique pas l’échec
  • En cas de méningite à pneumocoque

PARACLINIQUE

Scanner cérébral ou échographie transfontanellaire

  • Recherche d’une complication intracrânienne (hydrocéphalie, abcès, empyème, hémorragie, ventriculite)

 Audiogramme

  • Systématique et répété durant la 1ère année 

Devenir / orientation

CRITERES D’ADMISSION

Hospitalisation systématique pour les méningites bactériennes

 Critères d’admission en réanimation

  • Purpura extensif
  • Troubles de la conscience
  • Sepsis sévère
  • Forme sévère (recherche d’une paralysie du III : signe d’engagement)
  • Convulsions, état mal épileptique

 Durée du traitement antibiotique

  • Adaptation de l’antibiothérapie après documentation microbiologique et détermination des CMI (E-test) à 48h de traitement

_742 Tableau Durée du traitement antibiotique

 Suivi ultérieur des enfants avec méningite bactérienne

  • Avant la sortie de l’hôpital ou au plus tard dans les 15 jours après la fin du traitement antibiotique, il faut réaliser un examen neurologique et un test auditif adapté à l’âge
  • Suivis neurologique et auditif doivent être répétés à 3 mois et à 1 an d’évolution, afin de dépister une surdité et des difficultés scolaires tardives
  • Les implants cochléaires doivent être programmés avant le 6e mois d’évolution de la méningite
  • En cas de méningites bactériennes récidivantes ou d’un germe inhabituel : rechercher une brèche méningée
  • En cas d’infections bactériennes sévères récidivantes, il convient de discuter des recherches immunologiques spécialisées 

Algorithme

  • Algorithme des méningites de l’enfant 

_743 Algorithme Algorithme : méningites de l'enfant

Bibliographie

  • SPILF. 17e conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse : Prise en charge des méningites bactériennes aiguës communautaires. Texte court Paris, 19 Novembre 2008. Médecine, Mal Infect 2009 ; 39:175-186.
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  • Dubos, F., B. Korczowski, et al. "Serum procalcitonin level and other biological markers to distinguish between bacterial and aseptic meningitis in children: a European multicenter case cohort study. Arch Pediatr Adolesc Med 2008 ; 162:1157-63.
  • Van de Beek D, de Gans J, McIntyre P, Prasad K. Corticosteroids in acute bacterial meningitis (review). The Cochrane Library 2007 Jan 24;(1):CD004405
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  • Kaplan SL. Management of pneumococal meningitis. PIDJ 2002 ; 21 :589-92.  

Auteur(s) : Agathe CHAPLAIN, Myriam CHEMOUNY, Jean-Christophe MERCIER