Bienvenue Sur Medical Education


Paludisme de l'enfant

Enfant
Spécialité : infectieux / pédiatrie /

Points importants

  • 500 millions cas/an dans le monde ; 4 400 cas de paludisme d'importation en France en 2007
  • Une vingtaine de décès par an en France
  • Prophylaxie (chimique + médicamenteuse) ne garantit pas une protection absolue contre l'infection
  • Toute fièvre au retour des tropiques doit être considérée à priori comme un paludisme jusqu'à preuve du contraire
  • Environ 3% des paludismes à P. falciparum sont observés au-delà des 2 mois suivant le retour
  • L'interrogatoire (prophylaxie, zones de voyage) est essentiel. La confirmation est paraclinique (frottis/goutte épaisse)
  • La prise en charge est initialement hospitalière, en service de pédiatrie ou en réanimation en fonction de la gravité
     

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Généraux

  • Fièvre (+++)
  • Sueurs
  • Douleurs diffuses

Digestif

  • Douleur abdominale
  • Troubles digestifs (diarrhée, vomissements)

Neurologique

  • Céphalées

CONTEXTE

Terrain

  • Voyage en zone d'endémie dans les 6 mois
  • Absence de chimioprophylaxie ou mal suivie (arrêt dès le retour +++)

EXAMEN CLINIQUE

  • Hétérogénéité des symptômes

Cutané

  • Pâleur
  • Signes hémorragiques

Digestif

  • Vomissements
  • Diarrhée
  • Hépatomégalie, splénomégalie
  • Ictère

Neurologique

  • Confusion
  • Agitation
  • Convulsions
  • Signes méningés
  • Coma

Cardio-vasculaire

  • Tachycardie
  • Etat de choc

Pulmonaire

  • Œdème pulmonaire

Rénal

  • Oligo-anurie
  • Urines foncées (hémoglobinurie)

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • Glycémie capillaire < 2,2 mmol/L est un critère de gravité
  • ECG

CIMU

  • Tri 1 si :
    • HoTA
    • troubles neurologiques
    • troubles psychiatriques
    • OAP
    • troubles hémorragiques
  • Tri 2 dans les autres cas 

Signes paracliniques

BIOLOGIQUES

  • NFS (anémie, leuconeutropénie, thrombopénie)
  • TP, TCA
  • Ionogramme sanguin (hypoglycémie)
  • Urémie, créatininémie (insuffisance rénale aiguë)
  • ECBU
  • GDS (acidose métabolique)
  • Lactates si état de choc
  • Bilan hépatique
  • Frottis / goutte épaisse + parasitémie :
    • un frottis négatif n'élimine pas le diagnostic
    • à renouveler lors d'un pic fébrile

IMAGERIE

Radio de thorax

  • Recherche de signe pour OAP

EEG et imagerie cérébrale en cas de signe focal ou de coma mal expliqué
 

Diagnostic différentiel

Syndrome septique

  • Infections bactériennes
  • Helminthiases invasives
  • Amibiase hépatique

Diarrhée

  • Salmonella, Shigella, Campylobacter, Yersinia
  • Hépatites virales, rotavirus

Hépatomégalie

  • Leishmaniose viscérale
  • Amibiase hépatique
  • Hépatites virales

Splénomégalie

  • Typhoïde, brucellose, borrélioses, trypanosome africaine, leishmaniose viscérale

Ictère/hépatite

  • Typhoïde, rickettsiose, leptospirose
  • Hépatites virales, EBV, CMV, HSV, arbovirus

Signes neurologiques

  • Typhoïde
  • Méningite bactérienne
  • Arboviroses
     

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Oxygénothérapie pour SpO2 > 95%
  • Pose d'une voie veineuse et perfusion de NaCl 0,9% si déshydratation
  • Critères d'intubation :
    • collapsus
    • dyspnée avec hypoxémie majeure malgré oxygénothérapie
    • troubles de conscience
  • Si HoTA :
    • expansion volémique
    • si choc persistant malgré remplissage bien mené : noradrénaline IVSE (voir choc septique)

Suivi du traitement

  • Antipaludéen :
    • à débuter immédiatement, sans attendre les résultats d'examens complémentaires, si forte suspicion diagnostique
    • avant l'âge de 6 ans, les comprimés doivent être écrasés

MEDICAMENTS

Voie orale

  • 1re ligne :
    • atovaquone + proguanil (Malarone®) :
      • entre 5 et 9 kg : 2 cp enfant/j
      • 9 et 11 kg : 3 cps enfant/j
      • 11 et 21 kg : 1 cp adulte/j
      • 21 et 31 kg : 2 cps adulte/j
      • 31 et 40 kg : 3 cps adulte/j
      • > 40 kg : 4 cps adulte/j
      • traitement pendant 3 jours
      • contre-indication : allergie, insuffisance rénale (clairance de la créatinine < 30mL/min)
      • effets secondaires : nausées et vomissements. Faire prendre avec un repas ou une collation lactée au moment de la prise
    • méfloquine (Lariam®) :
      • 25 mg/kg, répartition en 15 mg/kg à H0 et 10mg/kg à H12 ou 8 mg/kg à H0 à H6
      • contre-indications : allergie, traitement par acide valproïque, insuffisance hépatique sévère
      • effets secondaires : troubles digestifs, céphalées, vertiges ; troubles neuropsychiques (dont convulsions) : rares mais potentiellement graves. Précéder la prise d'un antiémétique de type dompéridone
    • artéméther + luméfantrine (Riamet® / Coartem®) :
      • 6 prises orales à HO ; H8 ; H24 ; H36 ; H48 ; H60
      • 5 à 15 kg : 1 cp/prise
      • 15 à 25 kg : 2 cps/prise
      • 25 à 35 kg : 3 cps/prise
      • > 35 kg : 4 cps/prise
      • contre-indications : troubles de conduction intraventriculaires de haut degré
      • effets secondaires : céphalées, vertiges, troubles digestifs
  • 2e ligne :
    • quinine (Quinimax® / Quinine Lafran® / Surquina®) :
      • 8 mg/kg/8 heures pendant 7 jours, ne pas dépasser 2,5 g/j
      • contre-indications : allergie, troubles de conduction de haut degré
      • effets secondaires : cinchonisme : troubles digestifs, céphalées, acouphènes ; troubles du rythme (surdosage)
    • halofantrine (Halfan®) :
      • 25 mg/kg en 3 prises espacées de 6 heures, à jeun + 2e cure à J7-J10 chez le non-immun à dose réduite
      • en milieu hospitalier (surveillance ECG)
      • contre-indications : ATCD de troubles du rythme, hypokaliémie, médicament allongeant le QT, QTc allongé, insuffisance cardiaque, relais de méfloquine
      • effets secondaires : cardiotoxicité : allongement QTc très fréquent ; troubles du rythme (rares/graves)

Voie IV

  • Quinine :
    • 8 mg/kg toutes les 8 heures ; ne pas faire de dose de charge
    • contre-indications et effets secondaires : cf. quinine per os
    • à relayer dès que possible par un antipaludique oral
       

Surveillance

CLINIQUE

Si traitement per Os

  • PA, FC, T°/ 4 h
  • Conscience toutes les 4 heures

Si traitement IV

  • Surveillance scopique

PARACLINIQUE

Si quinine IV

  • Contrôle quotidien quinine plasmatique totale pendant 72 heures ; à effectuer à la fin d'une perfusion de quinine ; taux efficace entre 10 et 12 mg/L
  • ECG avant le traitement puis quotidiennement (surveillance QTc)
  • Glycémie capillaire à surveiller toutes les 4 heures
  • Parasitémie à J3, J7 et J28
     

Devenir / orientation

Tout enfant ayant un paludisme doit être hospitalisé soit

  • En réanimation : en cas de présence d'au moins un critère de gravité
  • En Unité de soins continus, UHCD ou un service de pédiatrie générale pour les autres

CRITERES D'ADMISSION EN REANIMATION (OMS)

Le paludisme grave est une urgence vitale qui met en jeu le pronostic vital. Le traitement ne se conçoit que dans une unité de réanimation. La présence d'un seul de ces critères impose l'avis du réanimateur.

  • Défaillance neurologique :
    • obnubilation, confusion, somnolence, prostration, coma avec score de Glasgow < 11
  • Défaillance respiratoire :
    • si Ventilation Mécanique ou VNI ; si non ventilé PaO2 < 60 mmHg et/ou SpO2 < 90% en air ambiant et/ou FR > 32/min
  • Toute défaillance cardiocirculatoire :
    • PAS < 60 mmHg avant l'âge de 5 ans
    • PAS < 80 mmHg après 5 ans
    • enfant recevant des drogues vasoactives quel que soit le chiffre de pression
    • signes périphériques d'insuffisance circulatoire sans HoTA
  • Convulsions répétées : au moins 2 par 24 heures
  • Hémorragie
  • Ictère :
    • clinique ou bilirubine totale > 50 µmol/L
  • Hémoglobinurie macroscopique
  • Anémie profonde :
    • hémoglobine < 7 g/dL
    • hématocrite < 20%
  • Hypoglycémie :
    • glycémie < 2,2 mmol/L
  • Acidose :
    • bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/L
    • ou acidémie avec pH < 7,35
  • Toute hyperlactatémie
  • Insuffisance rénale :
    • diurèse < 12 mL/kg/24 heures
    • ou créatininémie élevée pour l'âge

Au terme de cette évaluation, l'enfant sera hospitalisé soit en « unité lourde » de réanimation, soit en unité de surveillance continue (ou post-réanimation)

CRITERES DE SORTIE

Pour les formes non graves et chez le grand enfant le traitement peut être suivi en ambulatoire

  • Après 24 heures d'hospitalisation
  • Si fiabilité du milieu familial
  • Possibilité de consultation à J3 ; J7 ; J28
     

Mécanisme / description

  • Le paludisme est une infection par un parasite. Il en existe 4 espèces :
    • Plasmodium falciparum est l'espèce la plus pathogène et responsable des cas mortels
    • Plasmodium vivax
    • Plasmodium ovale se trouve en Afrique de l'ouest, ne tue pas mais peut entraîner des rechutes 4 à 5 ans après la primo-infection
    • Plasmodium malariae a une distribution mondiale, ne tue pas mais peut donner des rechutes 20 ans après la primo-infection
  • La contamination se fait par une piqure d'un moustique, l'anophèle femelle
  • Le cycle parasitaire, chez l'homme, comprend 2 étapes :
    • l'étape hépatique faisant immédiatement suite à la piqure : les parasites (sous forme sporozoites) gagnent le foie et s'y multiplient pendant 1 à 2 semaines ; les hépatocytes parasités éclatent libérant dans la circulation sanguine les mérozoites
    • ceux-ci vont pénétrer dans les hématies, s'y transformer puis entrainer l'éclatement de l'hématie, c'est l'étape érythrocytaire
  • Le cycle de maturation intra-érythrocytaire varie selon l'espèce et dure soit 48 heures (P. falciparum, P. ovale, P. vivax) soit 72 heures (P. malariae) rendant compte de la périodicité des accès fébriles
     

Bibliographie

  • Prise en charge et prévention du paludisme d'importation à plasmodium falciparum-12e conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française-HIA Bégin, Saint Mandé-14 avril 1999.
  • Révision 2007 conférence de consensus www.infectiologie.com
  • Maladies infectieuses et tropicale, E. Pilly ; APPIT ; 22e édition 2010
     

Auteur(s) : Christian FULLEDA