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Traumatisme splénique


Spécialité : traumatologie /

Points importants

  • Rate = organe le plus fréquemment atteint dans les traumatismes abdominaux fermés
  • Mortalité = 5 à 16%
  • 50% de lésions associées
  • Sujet jeune (30-40 ans) +++
  • Risque infectieux à vie
  • Traitement conservateur chez 70% des adultes
  • Indication formelle à la chirurgie = rate polyfracturée, atteinte pédiculaire, instabilité hémodynamique
  • Toujours rechercher des lésions associées :
    • dans 50% des cas, 1 lésion extra-abdominale associée
    • dans 40% des cas, 2 lésions extra-abdominales associées

Présentation clinique / CIMU

CONTEXTE

Terrain

  • Le plus souvent, homme jeune 30-40 ans

Antécédents

  • Psychiatriques (syndrome dépressif, TS, schizophrénie)
  • Ethylisme chronique
  • HTA, cardiopathies

Traitement usuel

  • Anticoagulants
  • Bêtabloquants
  • Antidépresseurs, anxiolytiques

Circonstances de survenue

  • Mécanisme de l'accident :
    • accident de circulation (80% des cas)
    • défenestration
    • blast
    • incarcération
    • sport
    • rixes
  • Il faut préciser :
    • la cinétique de l'accident
    • l'étendue des lésions matérielles
    • l'existence de personnes décédées sur place
    • le mode d'extraction des victimes
    • la présence de la ceinture de sécurité
    • la notion d'usage de drogues ou alcool
    • les traces de traumatismes crâniens/rachis

SIGNES FONCTIONNELS

  • Douleur spontanée de l'hypochondre gauche, de l'épaule gauche, de l'abdomen de façon diffuse, pelvienne, lombaire, thoracique ou génitale
  • Signes d'hémorragie digestive
  • Dyspnée, angoisse
  • Agitation, troubles de la conscience, coma

EXAMEN CLINIQUE

  • Recherche signes de choc : pouls filant, HoTA, différentielle pincée, pâleur cutanéomuqueuse, extrémités froides, angoisse, agitation, polypnée, soif, sueurs
  • Conjonctives décolorées, TRC > 2sec
  • Inspection abdominale :
    • dermabrasions, ecchymoses
    • signe de la ceinture
    • distension abdominale
    • signe de Grey Turner
    • signe de Cullen
    • fracture costale
  • Palpation abdominale :
    • défense localisée de l'hypochondre gauche
    • défense généralisée
    • contracture abdominale
    • matité des flancs
    • douleur à la palpation des côtes
  • Recherche de lésions associées (polytraumatisme) :
    • troubles neurologiques, signes de localisation
    • détresse respiratoire
    • lésions du rachis
    • bassin
    • déformations des membres

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • Hémoglobine capillaire à répéter fréquemment
  • Glycémie (recherche de cause de l'accident ou si prises de toxiques)
  • ECG si traumatisme thoracique associé
  • BU pour dépister un trauma rénal

CIMU

  • Tri 1 à 3 en fonction de la gravité du tableau clinique

Signes paracliniques

BIOLOGIE

  • Biologiques standard : NFS, TP, TCA, Groupe Rhésus RAI, ionogramme sanguin, urée, créatinine, glycémie, bilan hépatique, lipase, amylase
  • BU/ECBU
  • Recherche de toxiques
  • Béta-HCG urinaires ou plasmatiques

IMAGERIE

Radio de thorax

  • Recherche hémothorax
  • Hémomédiastin
  • Rupture diaphragmatique
  • Pneumothorax

Radio du bassin

  • Recherche une fracture du bassin, pouvant être responsable d'un HRP nécessitant une décision d'embolisation

ASP coupes horizontales et centrées sur les coupoles

  • Recherche hémopéritoine (grisaille diffuse)
  • Pneumopéritoine
  • Lésions rachidiennes
  • Lésions du bassin

Echo abdo « FAST » : rapide, portable, non invasive

  • Basée sur le fait qu'une lésion significative intra-abdominale est toujours associée à un hémopéritoine (détecte dès la présence de 100mL de sang, 1 cm à l'écho = 1 litre de sang)
  • 4 fenêtres visualisées « les 4 P » (péricardique, périhépatique, périsplénique et pelvienne)
  • Traumatisme splénique :
    • épanchement dans les récessus péri-spléniques
    • lésions parenchymateuses :
      • contusions
      • hématomes intra-parenchymateux
      • hématomes sous-capsulaires

TDM abdominal sans puis avec injection de produit des contraste

  • Réalisable lorsque l'état hémodynamique du patient est stabilisé
  • Détermine la source de l'hémorragie et grade la lésion splénique
  • Faire fenêtre osseuse si suspicion de lésions vertébrales ou pelviennes associées
  • Clichés tardifs pour l'excrétion rénale

Ponction lavage péritonéale

  • Ponction sous-cutanée ou mini-laparotomie, et injection d'1 L de NaCl 0,9% ou Ringer Lactate :
    • liquide sanglant = positif, liquide clair = négatif
  • Certains effectuent en plus plusieurs analyses (présence de GR, GB, fibres alimentaires et bactéries)
  • Interprétation délicate en cas de liquide rosé. De plus, faux positif = hémorragie rétro-péritonéale

Diagnostic différentiel

TRAUMATISME ET DOULEUR ABDOMINALE

  • Traumatisme hépatique
  • Hématome rétroplacentaire
  • Atteinte des gros vaisseaux (aorte, désinsertion du mésentère)

TRAUMATISME ET ETAT DE CHOC

  • Hématome rétroplacentaire
  • Traumatisme thoracique, hémothorax, hémomédiastin, rupture de la crosse de l'aorte
  • Choc spinal
  • Traumatisme crânien grave

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Mise en condition :
    • 2 VVP de gros calibre
    • monitorage des constantes par scope
    • oxygénothérapie, ± IOT
    • collier cervical...
  • Remplissage avec cristalloïdes : objectif PAS ~ 90 mmHg
  • Transfusion O négatif si Hb < 7 g/dL ou saignement actif important

Pour les traumatismes fermés et isolés de la rate (ou associés avec traumatisme périphérique)

  • En cas d'instabilité hémodynamique :
    • pantalon antichoc
    • passage direct en salle d'opération pour chirurgie d'hémostase : splénectomie
  • En cas de stabilité hémodynamique :
    • abstention chirurgicale (momentanée ou définitive)
  • Les décisions chirurgicales dépendent de l'évolution clinique et paraclinique. Si une indication chirurgicale est posée, elle est le plus souvent conservatrice (sutures, protection par filets de Vicryl, exérèse partielle ...), la splénectomie étant de plus en plus rare
  • Les conditions requises pour la réalisation d'un traitement conservateur sont :
    • patient stable hémodynamiquement sans suspicion de péritonite par perforation d'organe creux
    • possibilité de bilan initial par TDM avec un opérateur entraîné
    • lésions spléniques de grade 1, 2 ou 3 au TDM
  • L'artériographie avec embolisation peut être réalisée dans le cadre du traitement conservateur, ce qui permet d'augmenter le taux de réussite de non intervention. Elle est réalisée en cas de fuite active (spot) ou fistule artérioveineuse ou anévrysme post-traumatique, pour diminuer les pressions intraspléniques par embolisation proximale (ligature de l'artère splénique)
  • Cas particuliers :
    • traumatisme splénique avec signes en faveur d'une rupture d'organe creux : chirurgie avec splénectomie
    • patient sous AVK ou maladie de l'hémostase ou pathologie splénique préexistante : chirurgie avec splénectomie

Traumatismes spléniques dans le cadre de polytraumatisme

  • Polytraumatisé en instabilité hémodynamique avec état de choc hémorragique grave :
    • laparotomie d'hémostase en urgence avec principe du « damage control », après discussion pluridisciplinaire
  • Traumatisme splénique et bassin :
    • stabilisation du bassin avant transport
    • si fuites actives de produit de contraste sur TDM => artério-embolisation des artères spléniques et hypogastriques
    • si patient instable malgré réanimation => splénectomie ± Novoseven®
  • Traumatisme splénique et rachis :
    • selon TDM et état hémodynamique :
      • si grade 1 : pas de splénectomie
      • si grade ≥ 2 : splénectomie avant chirurgie du rachis si celle ci est considérée comme urgente
  • Traumatisme splénique et fracture du fémur :
    • selon grade TDM :
      • si grade 1 et 2 : pas de splénectomie, ostéosynthèse du fémur
      • si grade ≥ 3 : splénectomie et/ou embolisation avant ostéosynthèse du fémur
  • Traumatisme splénique avec TC grave et/ou trauma thoracique grave :
    • cf. conduite à tenir en cas de trauma isolé, donc attitude selon état hémodynamique
    • en cas de grade ≥ 3 : surveillance en réanimation après chirurgie intracrânienne et/ou drainage thoracique, discussions pluriquotidiennes pluridisciplinaires ; si aggravation => en faveur d'une embolisation première

Surveillance

EN CAS DE TRAITEMENT NON OPERATOIRE OU EMBOLISATION

  • Surveillance en réanimation 48 à 72h
  • Repos strict au lit
  • Examens cliniques pluriquotidiens
  • Examens biologiques 2 à 3 fois/j
  • Dépistage de lésions d'organes creux
  • Réalimentation à J3-J4
  • TDM abdominal de contrôle à J7

Devenir / orientation

EN PREHOSPITALIER

Transport

  • Dans un service de réanimation à proximité d'un service de chirurgie viscérale et thoracique
  • Dans une salle de déchocage, salle de réveil
  • Dans un bloc direct si lésion intra-abdominale en collapsus majeur

Mécanisme / description

  • La rate est un organe thoraco-abdominal, fragile, profond, situé dans l'hypochondre gauche, en regard de la 10e côte
  • Elle a deux rôles essentiels :
    • le premier, dans l'immunité cellulaire, faisant ainsi partie des organes lymphoïdes secondaires
    • le deuxième, dans la formation et la destruction des éléments figurés du sang. Elle est le lieu de l'hématopoïèse durant la vie embryonnaire (3e au 7e mois) et peut le redevenir à l'âge adulte si atteinte de la moelle osseuse
  • Elle mesure environ 12 x 8 x 4 cm, et pèse 200 g
  • Sa vascularisation se fait par l'artère splénique, branche du tronc coeliaque, qui se divise en deux branches en arrivant à la rate (d'où les splénectomies partielles) ; elle est drainée par la veine splénique, se jetant dans le tronc porte

Traumatisme splénique

  • 3 mécanismes :
    • choc direct (selon surface, force et durée du choc)
    • décélération brutale
    • explosion ou « blast » (lésions souvent pulmonaires mais parfois organes creux)
  • Type de lésions :
    • par écrasement : organes pleins ++, 1re anse jéjunale, dernière anse iléale, parties mobiles du colon
    • par arrachement : organes pédiculés (rate, rein, et grêle)
    • par éclatement (estomac, duodénum, vessie)

Bibliographie

  • Abdominal trauma John A. Marx, Emergency Medicine, Part 2 Chapter 39 p 415-435
  • Traumatisme abdominal fermé B.Vivien et autres, Congrès national d'anesthésie et de réanimation 2007
  • Traumatismes abdominaux L.Dubois, G.Orliaguet, Urgences médico-chirurgicales, P.Carli Ed
  • Protocole de prise en charge des traumatismes spléniques de l'adulte (dans la période initiale) Avril 2008 Dr Anne Marie Chupin, CHU Nantes
  • Traumatismes et conservation splénique, Janvier 2003, Dr Desurmont, CHU Poitiers
  • Splenic Rupture, abdominal trauma blunt and penetrating, sur emedicine
  • Le traumatisme abdominal : être interventionniste et conservateur ! Dr Emond, Le médecin du Québec Vol 40 n°8 Août 2005
  • Séminaire de la SFMU 2000 sur l'ultrasonographie dans les traumatismes abdominaux fermés Dr P.A. Poletti
  • Traumatismes abdominaux non pénétrants Dr F.Gilbert 8e réunion provinciale en soins pré-hospitalier de l'adulte au Québec
  • Traumatismes abdominaux Dr Claire Martinon Siringo DAR Necker Enfants Malades Février 2005
     

Auteur(s) : Nora OULED, Céline MAISONDIEU