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Douleur


Spécialité : symptomes /

Points importants

  • Evaluer systématiquement la douleur dès l'accueil même si le patient ne s'en plaint pas (60% des patients arrivent aux urgences avec une composante douloureuse non obligatoirement au premier plan)
  • Le patient doit évaluer lui-même sa douleur (auto-évaluation > hétéro-évaluation)
  • Importance de la mise en place d'un protocole de service de délégation de l'infirmier
  • Les échelles validées dans l'urgence sont l'EN et l'EVA. Toujours noter la valeur sur le dossier (même si elle est égale à 0)
  • Commencer à traiter la douleur le plus tôt possible (même sans connaître le diagnostic)
  • La sédation de la douleur n'exclut pas un diagnostic grave
  • L'efficacité d'un placebo n'exclut pas une réelle douleur

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

  • La douleur n'est pas obligatoirement exprimée chez :
    • le jeune enfant
    • le vieillard stoïque
    • le confus
    • le malentendant
    • le patient avec barrière linguistique

CONTEXTE

Terrain

  • Age
  • Allergies connues
  • Toxicomanie
  • Grossesse

Traitement

  • Traitement antalgique reçu ou pris par le patient avant l'arrivée aux urgences

Antécédents

  • Ulcère gastroduodénal
  • Insuffisance hépatique et/ou rénale
  • Insuffisance respiratoire

Circonstances de survenue

  • Contexte médical, traumatologique ou inflammatoire
  • Douleur d'origine coronarienne

EXAMEN CLINIQUE

Evaluation de la douleur

_272 Tableau Echelle d'observation comportementale (EOC)

  • La douleur doit être évaluée systématiquement dès l'arrivée du patient à l'accueil (IAO) par l'échelle numérique (EN) ou l'échelle visuelle analogique (EVA)
  • L'échelle verbale simplifiée (EVS) peut être utilisée en cas d'incompréhension du patient pour les deux premières échelles (mais cette échelle n'est pas validée dans le contexte de l'urgence)
  • L'échelle d'observation comportementale (EOC) peut être utilisée chez les patients ne pouvant répondre
  • catégoriser l'intensité douloureuse
  • Douleur modérée : 3 = EVA ou EN = 6 ou 0 < EOC < 8
  • Douleur sévère EVA ou EN > 6 ou EOC = 8

La douleur est majorée aux urgences par

  • L'anxiété
  • L'attente
  • L'ignorance du pronostic
  • Les transbordements
  • Les examens successifs

CIMU

  • Tri 2 si EN ou EVA > 6 (l'IAO doit alors immédiatement prévenir le médecin)
  • Tri 3 si EN < 5
  • Le tri est également fonction de la cause de la douleur (ex. : tri 2 si douleur thoracique peu intense mais suspicion d'IDM ou de dissection aortique...)

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER/INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Objectif : obtenir une réduction de l'intensité douloureuse (EVA ou EN < 3)
  • Mise en oeuvre éventuelle de moyens physiques :
    • irrigation : si brûlures
    • traumatisé :
      • cryothérapie, packs réfrigérants
      • immobilisation (attelle, collier cervical rigide, écharpe...)
    • venins thermolabiles : chaleur
    • installation du patient en respectant les positions antalgiques
    • protection thermique si nécessaire (afin d'éviter les frissons sur les foyers de fracture)
    • anesthésies locorégionale (notamment sur fracture de la diaphyse fémorale : bloc iliofascial, de la face, digital transthécal)

Suivi du traitement

  • Anticiper les douleurs induites, notamment de mobilisation

_273 Tableau Chronologie d'action des antalgiques

  • Le paracétamol peut être renouvelé 4 h après (8 h après si insuffisance rénale sévère)

MEDICAMENTS

Antalgiques de niveau 1 type paracétamol - Propacétamol

  • IV, 2 g de Propacétamol dans 100 mL de glucose et à 5% ou NaCl 0,9% en 15 min :
    • délai d'action = 10-15 min
    • délai de réévaluation de la douleur = 30 min
    • effet maximum = 2 h
    • durée d'action = 4-6 h
  • Voie orale :
    • délai d'action = 30-60 min
    • durée d'action = 8 h
  • Contre-indications absolues :
    • insuffisance hépatique
    • hypersensibilité au paracétamol
  • Contre-indications relatives :
    • grossesse
    • insuffisance rénale sévère

Antalgiques de niveau 2

  • Paracétamol + codéine ou paracétamol + dextropropoxyphène
  • Topalgic (tramadol) : contre-indiqué chez la femme enceinte, allaitement, épilepsie, insuffisance respiratoire ou hépatique sévère
  • Acupan (néfopam) sur un sucre sublingual : contre-indiqué chez la femme enceinte, allaitement, épilepsie, glaucome à angle fermé, prostatisme, patient < 15 ans

AINS du type Kétoprofène®

  • IV (100 mg dans 100 mL de glucosé à 5% ou NaCl 0,9%) à perfuser en 20 min (ne pas mélanger à d'autres produits) :
    • délai d'action = 15-20 min
    • délai de réévaluation de la douleur = 30 min
    • durée d'action = 4 h
  • Voie orale (150 mg toutes les 12 h) :
    • délai d'action = 45-90 min
    • durée d'action = 8 h
  • Voir rectale (100 mg toutes les 8 h) :
    • délai d'action = 45-60 min
    • durée d'action = 8 h
  • Contre-indications absolues :
    • enfant de moins de 15 ans
    • femmes enceintes au dernier trimestre
    • allaitement
    • patient hypovolémique déshydraté
    • anomalie de l'hémostase
    • insuffisance rénale sévère
    • insuffisance hépatique
    • ulcère gastroduodénal en évolution
    • allergies ou asthme déclenchées par le kétoprofène, l'aspirine ou autre AINS
  • Contre-indications relatives :
    • grossesse avant le sixième mois
    • autre AINS
    • héparine parentale
    • lithium
    • méthotrexate (si > 15 mg/sem)
    • ticlopidine

Antalgiques de palier 3 : titration morphinique

  • Diluer une ampoule (10 mg = 1 mL) dans 10 mL d'EPPI (1 mg/mL)
  • Bolus IV à administrer toutes les 5 min si l'EVA ou l'EN initiales sont > 6 et jusqu'à ce qu'elles soient < 3 (patient soulagé) :
    • 2 mg si poids du patient < 60 kg
    • 3 mg si voire du patient = 60 kg
  • Relais par voie SC ou PCA après 2 h du dernier bolus ayant soulagé le patient
  • Contre-indications absolues :
    • insuffisance respiratoire décompensée
    • insuffisance hépatique sévère (avec l'encéphalopathie)
    • HTIC
    • épilepsie non contrôlée
  • Contre-indications relatives :
    • grossesse au troisième semestre
    • allaitement
  • Antidote = naloxone :
    • indications : persistance d'une FR < 10/min malgré l'arrêt des réinjections
    • objectifs : lever progressivement la dépression respiratoire sans faire réapparaitre la douleur
    • modalités d'administration :
      • diluer 1 amp dans 10 mL d'EPPI
      • bolus 1 mL IVD toutes les 2 min jusqu'à ce que la FR > 12/min
      • à renouveler si nécessaire. Puis 2/3 de la dose initiale nécessaire par heure en IVSE
    • délai d'action : 2 min
    • durée d'action : 20-30 min
    • surveillance pendant 4-6 h

MEOPA (Kalinox®) (mélange équimolaire d'oxygène et de protoxyde d'azote)

  • Entraîne une sédation consciente
  • Effet antalgique rapide (en 3 min) et immédiatement réversible
  • Indications :
    • réduction de luxation périphérique ou de fracture simple
    • l'analgésie peut être complété avec d'autres antalgiques ou une AL
    • soins de brûlures
    • exploration, suture d'une plaie superficielle
    • perfusion de l'enfant
  • Contre-indications :
    • épanchement gazeux : PNO, pneumomédiastin, pneumopéritoine
    • occlusion digestive
    • embolie gazeuse
    • accident de plongée
    • fracture des os de la face
    • HTIC
    • altération de la conscience
    • 1er trimestre de grossesse
  • Effets indésirables :
    • chaleur
    • lourdeur
    • sueurs
    • rêves
    • perte de la notion du temps
    • perception éloignée des sons
    • picotements
    • agitation, nervosité
    • cauchemars
    • dysphorie, dysphasie, ébriété

Co-analgésie

  • Décontracturants musculaires
  • Antispasmodiques
  • Tranquillisants
  • Antidépresseurs et anti-épileptiques
  • Corticoïdes

Surveillance

CLINIQUE

Réévaluation de la douleur 30 min au moins après l'administration des antalgiques

Réévaluation de l'intensité douloureuse au cours de la titration morphinique

  • Après 5 bolus : nécessité d'une revalidation médicale pour poursuite de la morphine
  • Après 10 bolus : dose d'alerte (reconsidérer le problème)
  • Surveillance :
    • douleur (EVA ou EN)
    • FR (le plus important++)
    • FC, PA, SpO2
    • niveau de vigilance (score de Ramsay)
    • effets secondaires : prurit, nausées, vomissements, rétention urinaire, sédation
    • jusqu'à au moins 60 min après le fin de la titration
  • Arrêt de la morphine si :
    • trouble de vigilance/Ramsay > 2
    • effets indésirables
    • FR < 10/min
    • si persistance, administrer la naloxone (Cf. Traitement)
  • Relais morphinique :
    • injection SC/4 h :
      • adapter la dose et le délai entre les doses
      • 2 h environ après la fin de titration
      • doses : 5-10 mg SC/4 à 6 h :
        • 3 ≤ EVA ≤ 6 : si poids < 60 kg 5 mg, si poids > 60 kg 7,5 mg
        • EVA > 6 : si poids < 60 kg 7,5 mg, si poids > 60 kg 10 mg
      • à adapter en fonction du potentiel évolutif douloureux
      • diminuer les doses chez le sujet âgé
  • Pas d'administration continue en IV (dangereux)
  • PCA :
    • dilution : 50 mg de morphine dans 50 mL
    • bolus : 1 mg = 1 mL ; période réfractaire = 7 min ; dose maximale/4 h = 35 mg
    • surveillance horaire au début puis toutes les 2 h puis toutes les 3 à 4 h

Devenir / orientation

CRITERES D'ADMISSION

  • Aggravation avec signes de surdosage
  • Non soulagement total de la douleur (EVA ou EN = 3)
  • Autre problème non lié à la douleur

CRITERES DE SORTIE

Vers un service d'aval

  • Une heure au moins après la dernière injection de morphine IV (hormis PCA)
  • Et seulement si :
    • FR > 10/min
    • SpO2 normale

Vers le domicile

  • 2 h au moins après la dernière injection de morphine IV (hormis PCA)
  • Et seulement si :
    • FR > 10/min
    • et SpO2 normale
    • EVA ou EN < 3
    • cause de la douleur éliminée

ORDONNANCE DE SORTIE

  • EVA ou EN de sortie = 0 et cause de la douleur éliminée :
    • pas d'antalgie
  • EVA ou EN < 3 + potentiel évolutif douloureux faible :
    • antalgique de palier 1 +/- AINS +/1 co-analgésie
  • EVA ou EN < 3 + potentiel évolutif douloureux fort :
    • antalgique de palier 1 ou II +/- AINS +/1 co-analgésie

RECOMMANDATIONS DE SORTIE

  • Immobilisation et/ou surélévation des membres
  • Repos
  • Observance du traitement
  • Déconseiller la conduite automobile après traitement sédatif (morphine, MEOPA, codéine, dextropropoxyphène, Topalgic®...)

Bibliographie


 

Auteur(s) : Patrick PLAISANCE, Jean-Christophe BOULARD