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Intoxication : poppers


Spécialité : toxicologie /

Points importants

  • La méthémoglobinémie doit être recherchée en présence d'une cyanose grise ardoisée, non expliquée par une hypoxémie et non régressive sous oxygénothérapie
  • La cause la plus connue de méthémoglobinémie est l'intoxication au nitrite (poppers)
  • Le poppers est une substance volatile ayant des propriétés aphrodisiaques
  • Un décret, publié au Journal Officiel du 22 novembre 2007, interdit désormais «la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise en vente et la distribution des produits contenant des nitrites d'alkyle», pourtant il est facile de s'en procurer via internet
  • Le traitement repose sur l'administration de bleu de méthylène

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Généraux

  • Cyanose = signe majeur (surprend par son intensité et son aspect grisâtre)

Spécifiques

  • Signes cliniques en fonction du pourcentage de méthémoglobine (en % de l'Hb totale) :
    • 0 - 15% : pas de symptôme
    • 15 - 20% : cyanose clinique, sang "chocolat"
    • 20 - 45% : dyspnée, asthénie, vertiges, céphalées, syncopes
    • 45 - 55% : dépression neurologique centrale
    • 55 - 70% : coma, convulsions, insuffisance circulatoire, troubles du rythme
    • > 70% : décès possible

CONTEXTE

Terrain

  • Le plus souvent l'homme jeune
  • Population homosexuelle

Antécédents

  • Recherche de toxicomanie

Circonstances de survenue

  • Usage récréatif
  • Voie d'administration : par inhalation ; délai d'action 30 à 60 secondes
  • Autres prises de toxiques (alcool, cocaïne...)

EXAMEN CLINIQUE

Cutané

  • Cyanose gris ardoisé

Pulmonaire

  • Tachypnée
  • Auscultation pulmonaire normale

Neurologique

  • Vertiges, céphalée
  • Syncope
  • Troubles de la conscience
  • Coma
  • Convulsions

Cardiologique

  • Tachycardie
  • HoTA

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • SpO2 < 92%
  • ECG :
    • TDR (arythmie ventriculaire) secondaires à l'hypoxie cellulaire, l'acidose ou l'anxiété
    • signes d'ischémie myocardique secondaire à l'acidose ou l'hypoxie sévère

CIMU

  • Tri 1

Signes paracliniques

BIOLOGIQUES

  • Gaz du sang :
    • hypoxémie
    • alcalose respiratoire initialement par hyperventilation
    • puis acidose métabolique avec hyperlactacidémie par probable activation de la glycolyse anaérobie
    • il faut être attentif aux résultats de la gazométrie artérielle et obtenir une SaO2 mesurée et non pas calculée (la constatation d'une SaO2 basse, contrastant avec une PaO2 normale, doit faire évoquer une anomalie du transport de l'oxygène)
  • Méthémoglobine > 1% de l'hémoglobine totale
  • Lactate : corrélé au taux de méthémoglobine
  • NFS : anémie hémolytique avec corps de Heinz
  • CPK : rhabdomyolyse
  • Urée et créatinine : insuffisance rénale
  • Alcoolémie et prise d'autres toxiques

Diagnostic étiologique

  • Nitrites : sont des oxydants directs de l'hémoglobine (poppers)

Diagnostic différentiel

Détresse respiratoire aiguë

  • Crise d'asthme
  • Décompensation de BPCO...

Anomalie de l'hémoglobine

  • Portant sur la structure de la globine, par substitution d'un acide aminé : la méthémoglobine, constitutionnellement anormale, ne peut être réduite par les systèmes enzymatiques (hémoglobinopathie M avec de nombreux variants)

Anomalie du système enzymatique réducteur

  • Incapable de réduire les quantités physiologiques de méthémoglobine formées en permanence

Intoxication par des agents oxydants débordant les capacités réductrices du système enzymatique

  • Anesthésiques locaux : benzocaïne, lidocaïne, mépivacaïne
  • Antimalariques : en cas de déficit en G6PD
  • Sulfamides anti bactériens et Sulfones : sulfaméthoxazole, dapsone
  • Aniline et dérivés : ont été la principale cause de méthéglobinémie avant la restriction de leur emploi
  • Chlorates : chlorates de sodium dans les herbicides non sélectifs
  • Naphtalène : peut provoquer une hémolyse ou une méthémoglobinémie
  • Nitrates : pas oxydants mais peuvent être transformés en nitrites par des bactéries intestinales surtout chez le nouveau-né
  • Composés nitrés : nitrobenzène, dinitrobenzène, nitrophénol, dinitro et trinitro- tuolène, nitroglycérine
  • Acétonitrile (dissolvant pour vernis à ongle)
  • Quinolones (chloroquinine, permaquinine)

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Voie d'abord veineuse avec NaCl 0,9%
  • Scope
  • Anticonvulsivants (1mg de rivotril) en cas de crise convulsive
  • Oxygénothérapie à fort débit, sous une FiO2 à 100% avant même la réception de la méthémoglobinémie. Elle permet d'augmenter la quantité d'oxygène dissous et de saturer l'hémoglobine fonctionnelle restante encore fonctionnelle

Suivi du traitement

  • Si MetHb < 30% : possible régression spontanée de la cyanose en 24 à 72 h
  • Correction des symptômes associés à l'hypoxie AVANT la régression de la cyanose
  • Si MetHb > 30% : amélioration de la clinique dans l'heure suivant l'administration du bleu de méthylène
  • Traitement spécifique : Bleu de méthylène (antidote)

MEDICAMENTS

Traitement « Spécifique » : Bleu de méthylène (Chlorure de (tétra)méthylthionine 1%)

  • Indications :
    • signe d'hypoxémie
    • MetHb > 30%
  • Ampoule de 5 mL à 1% = 50 mg/amp
  • Modalités :
    • IV stricte (risque de nécrose tissulaire)
    • 1 à 2 mg/kg (nouveau-né 0,3 à 1 mg/kg)
    • dilué dans du NaCl 0,9% ou G5%
    • IVL : 10 à 15 min
    • renouvelable à H1 : 1 mg/kg (dose totale max 7mg/kg)
  • Délai d'action : 20 min
  • Surveillance :
    • fonction rénale
    • coloration des urines (bleu, vert)
  • Contre-indications :
    • allergie vraie au bleu de méthylène
    • insuffisance rénale sévère (relative)
    • déficit en G6PD
    • déficit en NADH-réductase
  • Effets indésirables :
    • coloration des téguments (bleu)
    • hémolyse (+/- déficit en G6PD)
    • en cas de dose excessive :
      • douleur thoracique, abdominale
      • vertige, céphalée, obnubilation
      • dysurie
      • dyspnée
      • HoTA/HTA
  • Echec du traitement par bleu de méthylène :
    • déficit en G6PD
    • déficit en NADPH - MetHb - réductase
    • cyanose non MetHb : aggravation de l'hypoxie tissulaire
    • persistance du toxique
    • sulfhémoglobine (isolée, associée)
    • hémolyse associée (selon toxique)

Clonazépam (Rivotril®) 1mg IV à renouveler si besoin

Surveillance

CLINIQUE

  • Conscience, cyanose, température, FR, FC, SpO2/h
  • Scope
  • ECG

PARACLINIQUE

  • Méthémoglobinémie : dosages répétés 2 à 3 fois/24 h (cinétique décroissante)

Devenir / orientation

CRITERES D ADMISSION

En Service de Médecine

  • Si aucun signe de gravité clinique :
    • systématique pendant 24 h minimum
    • tant que persistance de la cyanose et MetHb > 1%

En Réanimation

  • Signes d'hypoxie tissulaire grave
  • Détresse circulatoire/respiratoire/neurologique (troubles de conscience, convulsions, état de mal convulsif)
  • Méthémoglobinémie > 60%
  • Et/ou échec du traitement au bleu de méthylène

CRITERES DE SORTIE

  • Régression complète de la symptomatologie
  • MetHb < 1%

ORDONNANCE DE SORTIE

  • Aucune

RECOMMANDATIONS DE SORTIE

  • Education du patient :
    • éviction définitive du toxique incriminé
    • liste des toxiques potentiels à éviter et/ou situations à risque

Mécanisme / description

  • A l'état physiologique, les hématies produisent chaque jour environ 3% de méthémoglobine, mais celle-ci est en permanence réduite par des puissants systèmes réducteurs enzymatiques ou chimiques ; le pourcentage de méthémoglobine est ainsi toujours < 0,8% de l'hémoglobine totale chez l'adulte
  • La méthémoglobinémie est définie comme une accumulation de méthémoglobine, dérivée de l'hémoglobine impropre au transfert de l'oxygène dans le sang
  • La méthémoglobine (MetHb) est une hémoglobine dans laquelle le fer est à l'état ferrique, trivalent par suite d'une oxydation, c'est-à-dire de la perte d'un électron du fer ferreux de l'hémoglobine
  • Le transport de l'oxygène dans l'organisme dépend du maintien de l'hémoglobine intraglobulaire à l'état réduit, le fer étant à l'état ferreux (Fe++)
  • Sous l'effet de l'oxygène, l'hémoglobine adulte normale est susceptible soit d'une oxygénation réversible, soit d'une oxygénation en méthémoglobine

Bibliographie

  • Staikowsky F, Perret A, Pévieriéri F, Zerkak D, Pelloux P, Danhiez F. L'intoxication au « poppers » cause rare de méthémoglobinémie aux urgences. Presse Med 1997 ;26 : 1481-4
  • Retornaz F, Retornaz K, Seux V, Cortes E, Auffray J, Soubeyrand J. Méthémoglobinémie récidivante : rechercher la prise itérative de poppers. Rev Méd Interne 2001 ; 22(4) : 401-2
  • Le Cam Y, Carel N, Guiriec B. Méthémoglobinémie par inhalation de « poppers » A propos d'un cas. Rénimation Urgences 1997; 6 (2): 95-97
  • Testud F, Dachraoui A, Perrot D. Méthémoglobinémie sévère après intoxication aigue par la P-trifluorométhylaniline en milieu professionnel. JEUR 2002. 15(2)
  • Mégarbane B, Donetti L, Blanc L, Chéron G, Jacobs F, groupe d'experts de la SRLF. Intoxications graves par médicaments et substances illicites en réanimations. Réanimation 15 (2006) 332-342
  • Brissaud O, Chevret L, Claudet I. Intoxication grave par médicaments et/ou substances illicites admise en réanimation : spécificités pédiatriques. Réanimation 15 (2006) 405-411
     

Auteur(s) : Juliette DEUTSCH