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Intoxication : méprobamate


Spécialité : toxicologie /

Points importants

  • Dose toxique : > 4 g chez l'adulte - 0,05 g/kg chez l'enfant
  • A l'origine d'un coma calme et hypotonique, dont la profondeur est fonction de la dose ingérée et de la tolérance individuelle
  • L'admission en réanimation ou en unité de surveillance continue des intoxications au méprobamate est en particulier indiquée, en raison du risque de choc d'allure vasoplégique ou cardiogénique à QRS fins sur l'ECG
  • Attention au risque de sevrage après guérison de l'intoxication si traitement au long cours

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Troubles neuropsychiques

  • Syndrome pseudo-ébrieux initial
  • Somnolence, syndrome confusionnel, coma

Cardiovasculaire

  • Lipothymie, palpitations

CONTEXTE

Traitement usuel

  • Equanil® : méprobamate
  • Mépronizine®: méprobamate + acéprométazine (phénothiazine antihistaminique)
  • Atrium®: fébarbamate
  • Dose toxique : > 4 g chez l'adulte - 0,05 g/kg chez l'enfant

Antécédents

  • Patient dépressif, anxieux, souffrant de troubles du sommeil
  • Alcoolique chronique

Circonstances de survenue

  • Tentative de suicide par ingestion

EXAMEN CLINIQUE

Neurologique

  • Somnolence
  • Troubles de la conscience allant jusqu'au coma , sans signe de localisation
  • Coma profond hypotonique avec hyporéflexie ostéotendineuse (pouvant mimer un état de mort apparente)
  • Coma hypertonique avec signes pyramidaux (< 10%)
  • Pupilles normales voire en mydriase réactive
  • Possibilité de ré-aggravation du coma après une phase de réveil (réabsorption digestive)

Cardiovasculaire

  • Tachycardie, plus rarement bradycardie
  • HoTA, choc

Pulmonaire

  • Polypnée par inhalation

Autres signes

  • Fièvre : rechercher une pneumopathie d'inhalation
  • Hypothermie
  • Complications non spécifiques du coma :
    • compression aux points d'appui (phlyctène escarre)
    • thrombophlébite
    • syndrome de loge
    • conjonctivite
    • kératite ou ulcère de cornée

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • SpO2 : hypoxémie en cas d'inhalation
  • ECG : QRS fins

CIMU

  • Tri 1 à 3 en fonction de l'atteinte des fonctions vitales

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

  • Gazométrie : hypoxémie, acidose hypercapnique (hypoventilation alvéolaire)
  • Ionogramme sanguin
  • Lactatémie : augmentation si choc
  • CPK, transaminases, troponine

TOXICOLOGIQUE

  • Dosage plasmatique de méprobamate :
    • la zone thérapeutique se situe entre 100-200 µmol/L, avec un risque de trouble de la conscience à partir de 250 µmol/L et des troubles hémodynamiques au-delà de 450 µmol/L
    • bonne corrélation entre concentration plasmatique et profondeur du coma  (mais variabilité interindividuelle selon tolérance pharmacodynamique préexistante si traitement au long cours)

IMAGERIE

Radiographie pulmonaire

  • Pneumonie d'inhalation

TDM cérébral (à faire en l'absence d'évolution favorable avec la baisse des concentrations de méprobamate)

  • Normal
  • Œdème cérébral si anoxie cérébrale

Echographie cardiaque

  • Arguments en faveur d'une atteinte cardiogénique

Monitorage de l'état hémodynamique

  • Systématique cas de choc réfractaire au remplissage ou à de faibles doses de catécholamines
  • Mécanisme du choc dose et concentration-dépendant
  • Recours aux techniques habituelles de réanimation (échographie cardiaque, cathétérisme cardiaque droit, PICCO, Vigileo...)
  • Choc hypovolémique
  • Choc vasoplégique
  • Choc cardiogénique lié à un effet inotrope négatif (à plus forte dose ou concentration)

EEG

  • En cas de coma profond
  • Tracé déprimé et peu réactif ; possible silence réversible

Diagnostic étiologique

DIAGNOSTIC

Dosage plasmatique du méprobamate

  • La zone thérapeutique se situe entre 100-200 µmol/L, avec un risque de trouble de la conscience à partir de 250 µmol/L et des troubles hémodynamiques au-delà de 450 µmol/L
  • Bonne corrélation entre concentration plasmatique et profondeur du coma  (mais variabilité interindividuelle selon tolérance pharmacodynamique préexistante si traitement au long cours)

FACTEURS PRONOSTIQUES

  • Complications non spécifiques du coma
  • Choc cardiogénique
  • Hypoxie cérébrale

Diagnostic différentiel

  • Autre cause de coma toxique ou non toxique
  • Autre intoxication par cardiotrope : les QRS restent fins ici
  • Etat de mort apparente : diagnostic à éliminer avant tout prélèvement d'organe si l'état clinique et les EEG laissent suspecter un état de mort encéphalique

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER/INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Voie veineuse de bon calibre
  • Remplissage vasculaire au NaCl 0,9% si collapsus (500-1000 mL)
  • Oxygénation systématique
  • Intubation et ventilation contrôlée si coma avec Glasgow < 8
  • Collapsus persistant : dopamine (si modéré) ou adrénaline (si grave)

Suivi du traitement

  • Décontamination digestive par le charbon activé (50 g) si vu dans les 2 h, en l'absence de contre-indications :
    • si HoTA persistante : monitorage hémodynamique :
      • profil vasoplégique : noradrénaline voire dopamine
      • profil cardiogénique : adrénaline voire dobutamine
    • si choc réfractaire aux catécholamines : discuter assistance circulatoire
    • traitement des complications non spécifiques du coma
    • épuration extra-rénale (hémoperfusion sur charbon, hémodialyse) : exceptionnellement
  • N.B. : Attention au syndrome de sevrage après élimination du méprobamate chez un patient traité au long cours

MEDICAMENTS

  • Pas d'antidote spécifique

Surveillance

CLINIQUE

  • Conscience (score de Glasgow), PA, FC, FR, SpO2/2 h
  • Scope

PARACLINIQUE

  • Gazométrie
  • Dosage du méprobamate plasmatique
  • ECG

Devenir / orientation

CRITERES D'ADMISSION

En UHCD

  • Systématiquement pour toute intoxication sans signe de gravité

En réanimation

  • Si atteinte des fonctions vitales : coma, collapsus, état de choc
  • Si aggravation d'un coma (intubation si Glasgow < 8 ou autre critère de gravité)

CRITERES DE SORTIE DU SAU

  • Disparition de tout trouble de la conscience et de tout trouble cardiovasculaire
  • Amélioration significative de l'hypoxémie en cas de pneumonie
  • Normalisation du bilan biologique
  • Après avis psychiatrique en cas d'intoxication volontaire

Mécanisme / description

TOXICOCINETIQUE

  • L'absorption digestive du méprobamate est ralentie du fait de la formation de conglomérats gastriques, expliquant un allongement de sa demi-vie et une ré-aggravation secondaire possible du coma
  • Demi-vie 11 h, liaison protéique 20%, métabolisme hépatique inactivateur, élimination rénale

TOXICODYNAMIE

  • Index thérapeutique étroit
  • Tolérance pharmacodynamique chez les patients traités au long cours. La profondeur des troubles de vigilance est moins importante à concentration équivalente par rapport à des sujets naïfs
  • Mécanisme de toxicité cardiovasculaire peu connu
  • Attention au risque de sevrage chez les patients avec traitement au long cours

Bibliographie

  • Mégarbane B, Donetti L, Blanc T, Chéron G, Jacobs F. Intoxications graves par médicaments et substances illicites en réanimation. Réanimation 2006; 15: 332-342
  • Charron C, Mekontso-Dessap A, Chergui K, Rabiller A, Jardin F, Vieillard-Baron A. Incidence, causes and prognosis of hypotension related to meprobamate poisoning. Intensive Care Med 2005;31:1582-6
  • Schwartz HS. Acute meprobamate poisoning with gastrotomy and removal of a drug-containing mass. N Engl J Med 1976;295:1177-8

Auteur(s) : Bruno MEGARBANE