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Angio-oedème à bradykinine


Spécialité : pediatrie / système immunitaire /

Points importants

  • L'angio-œdème est un syndrome clinique
  • La crise d'angio-œdème correspond à la survenue d'œdèmes sous-cutanés et/ou sous-muqueux à n'importe quel endroit de la peau ou des muqueuses (ORL, respiratoires et digestives)
  • A évoquer devant des crises récidivantes d'œdèmes et/ou de douleurs abdominales
  • Les crises sévères touchent la face, la bouche, les voies aériennes supérieures et l'abdomen (douleurs intenses)
  • Risque vital si localisation laryngée ou ORL : jusqu'à 25 % de décès en l'absence de traitement spécifique
  • Ce n'est pas un œdème allergique : ne répond pas aux antihistaminiques ni aux corticoïdes
  • Médiateur principal : bradykinine
  • Le test de dépistage est le dosage de la fraction C4 du complément
  • Adresses des centres de référencement

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

  • Selon la topographie de l'œdème

Digestifs (chez 93 % des patients, liés aux contractions dues à l'œdème de la paroi intestinale et du mésentère)

  • Douleurs abdominales :
    • d'apparition progressive et d'intensité variable
    • parfois début brutal et intense pouvant simuler une urgence chirurgicale
  • Nausées, vomissements
  • Diarrhées

Respiratoires et ORL (75% des patients ont au moins une atteinte ORL dans leur vie)

  • Altération de la voix
  • Dysphagie (danger +++)
  • Sensation de boule dans la gorge
  • Gêne respiratoire progressive (en moyenne 8 h), pouvant aboutir à une asphyxie aiguë par oedème de la langue ou du larynx (Evolution imprévisible nécessitant donc toujours un traitement)

Extrémités, tronc, face, organes génitaux externes

  • Souvent prodrome à type de picotement
  • Pas de douleur, sauf si l'œdème touche des points d'appui ou lorsque le tissu sous-cutané est mince

CONTEXTE

Terrain

  • Maladie rarement asymptomatique
  • 2/3 des premières crises surviennent avant la puberté
  • Symptômes très variables en fréquence (pratiquement jamais à tous les 2-3 jours, moyenne 7 à 14 jours) et en sévérité
  • Souvent, il y a une zone de prédilection pour chaque patient
  • Retard diagnostic de 7 à 12 ans après la première crise

Antécédents

  • Habituellement antécédents familiaux
  • 1/3 des patients n'ont pas d'antécédents familiaux : n'exclut pas le diagnostic (mutation de novo et formes acquises)

Circonstances de survenue

  • 50 % des patients identifient une cause déclenchante :
    • traumatisme même minime (chute...)
    • soins dentaires jusqu'à 50 % des cas (détartrage ou extraction dentaire)
    • stress (examen)
    • modifications hormonales (pilule, grossesse, menstruations)
    • médicaments (inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, ARA II, antidiabétiques type gliptines)
    • infection

EXAMEN CLINIQUE

Selon la topographie de l'œdème

Cutané

  • Œdèmes blancs, mous, déformants, circonscrits, non prurigineux, récidivants, ne prenant pas le godet
  • Installation en quelques minutes à quelques heures (12 à 36 h)
  • Pouvant être localisés à tous les endroits de la peau, mais fréquents aux extrémités (mains, pieds, bras, jambes, abdomen)
  • Disparaissant sans séquelle en 2 à 5 jours

Abdominal

  • Tableau pseudo-occlusif
  • Tableau pseudo-chirurgical
  • Ascite

Cardiovasculaire

  • HoTA par hypovolémie si épanchement intrapéritonéal abondant

ORL et respiratoire

  • Gonflement de la langue, des lèvres
  • Dyspnée, tirage et asphyxie aiguë

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • SpO2 : fonction de l'importance de la dyspnée

CIMU

  • Tri 1 à 3 selon la forme clinique

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

  • Permettent d'affirmer le diagnostic et le type d'angio-œdème

Test de dépistage (chez un patient non traité)

  • Fraction C4 du complément < 30% du taux normal (sensibilité 100 %, valeur prédictive négative 100 %. Dans l'angio-œdème non traité, le taux est normal seulement dans moins de 2 % des cas)
  • Si taux C4 bas, faire les dosages suivants :
    • dosage fraction C1 du complément (du fait de la faible prévalence de la maladie, des faux positifs sont fréquents => examens à refaire)
    • dosage C1 inhibiteur
    • dosage fonctionnel du C1 inhibiteur
  • Cas particulier de l'enfant < 1 an :
    • quel que soit le résultat, refaire les examens après l'âge de 1 an
  • Dans le cas exceptionnel où le taux de C4 est normal et le contexte clinique très évocateur, refaire le dosage de C4 lors d'une crise

IMAGERIE

  • Aucun examen n'est spécifique

  • Dans tous les cas, retour à la normale en quelques jours à la fin de la crise

Echographie, scanner abdominal 

  • Anses épaissies, épanchement inter anses

Gastroscopie

  • Muqueuse rouge, œdématiée

Laryngoscopie

  • Muqueuse rouge, œdématiée

Diagnostic différentiel

Œdème allergique

  • Accompagné par une urticaire, un prurit, parfois réaction anaphylactique
  • Facteur d'exposition retrouvé : aliments, médicaments, latex...
  • Amélioré par les antihistaminiques, les corticoïdes

Toutes les urgences chirurgicales abdominales

  • La réponse aux traitements permet de faire la différence entre une crise d'angio-œœdème et une urgence chirurgicale

Traitement

  • Ecouter le patient qui connaît très bien ses crises : localisation, intensité, évolution (identique ou différente par rapport aux crises habituelles)
  • Savoir demander conseil à un centre de référence
  • Dans tous les cas, inefficacité des antihistaminiques et des corticoïdes
  • Si besoin, tous les antalgiques peuvent être utilisés

TRAITEMENT DES CRISES AIGUES

Crises sévères

  • Berinert® : concentré de C1 inhibiteur :
    • flacon de 500 UI
    • posologie 20 UI/Kg en perfusion rapide (5 min) ou IVL (= 1000 à 1500 UI pour un adulte)
    • refaire 500 à 1000 UI si pas d'amélioration en 60 min
    • disparition totale de la crise en 4 h dans 95 % cas
    • concentration plasmatique maximale en 1 h
    • demi-vie pouvant aller jusqu'à 40 heures
  • Firazyr® (icatibant) : antagoniste des récepteurs B2 bradykinine :
    • ampoule 30 mg (3 mL)
    • posologie : 1 ampoule en SC (paroi abdominale)
    • début d'efficacité en 20 à 30 min
    • injection renouvelable 2 fois à 6 h d'intervalle (maximum 3 injections/j)
    • effets secondaires : érythème, sueurs, surtout douleur au site d'injection
    • demi-vie : 2 à 4 h
  • Plasma frais congelé contre indiqué : risque d'aggravation de la crise
  • Intubation voire trachéotomie si intubation impossible à cause de l'œdème (difficultés majeures, uniquement faite par un sénior)
  • Aérosol d'adrénaline : peut avoir un effet bénéfique en attendant l'action du Berinert® ; efficacité non prévisible
  • Remplissage vasculaire si collapsus (cristalloïdes)
  • Antalgiques

Crises modérées

  • Exacyl® (acide tranexamique) :
    • bloque la production de plasmine
    • ampoule injectable 500 mg ou comprimé 500 mg
    • 2 g IV /6h pendant 48h
    • per os : même posologie
    • enfant 10 mg/kg/6h
    • risques de nausées, lipothymies, vertiges
    • demi-vie 3 h

PREVENTION DES CRISES A COURT TERME

  • Doit être mise en route dans toute la période péri-opératoire
Pas de délai (ex : chirurgie en urgence, accouchement)
  • Berinert® : concentré de C1 inhibiteur 20 U/kg à faire 1 h avant le geste chirurgical
Délai de quelques jours (ex : colonoscopie, soins dentaires)
  • Danazol comprimés à 200 mg, 1 comprimé /8h 5 jours avant et 5 jours après

MEDICAMENTS CONTRE-INDIQUES

  • Inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, ARA II
  • Pilule contraceptive à base d'œstrogènes

Devenir / orientation

EN PREHOSPITALIER

  • Transport aux urgences de toute crise sévère pour éliminer une urgence chirurgicale et/ou en raison du risque d'asphyxie

EN INTRAHOSPITALIER

Critères d'admission en réanimation

  • Toute crise sévère ou inhabituelle dans sa présentation (intensité, symptomatologie) touchant la face ou les voies aériennes supérieures ou accompagnée d'un collapsus

Critères de sortie

  • Disparition de tout signe clinique

RECOMMANDATIONS DE SORTIE

Le patient doit être pris en charge par un centre de référence

Centres de référence labellisés

  • Centre National : CHU Grenoble (CREAK)
  • Centres associés :
    • CHU Lyon, Hôpital E Herriot
    • CHU Lille, Hôpital C Huriez
    • APHP, Hôtel Dieu et Hôpital Verdier, Bondy
    • CHU Nancy, Hôpital Central
    • CHU Montpellier, Hôpital St Eloi
    • CHU Angers, Hôpital Larrey
  • Centres de compétence :
    • Caen-Rouen, Niort-Poitier, Bordeaux, Marseille, Nice, Strasbourg
  • Adresses des consultations spécialisées

Mécanisme / description

GENERALITES

  • Maladie orpheline : 1/50 à 100.000 (environ 1000 patients en France)
  • Autrefois appelé œdème angioneurotique héréditaire
  • C1 inhibiteur :
    • principal régulateur de la voie du complément
    • régule aussi l'activation de la kallicréine, plasmine, facteur XIa et facteur XIIa (protéines de la fibrinolyse et de la phase contact de la coagulation)
    • déficit en C1 inhibiteur (pondéral ou qualitatif) : tout traumatisme active en excès la voie du complément et la phase contact de la coagulation, libérant une grande quantité de bradykinine et de substances kinine-like, produisant une augmentation de perméabilité capillaire et un œdème

FORME HEREDITAIRE

Les symptômes apparaissent dès le jeune âge

  • Transmission autosomique dominante, forme hétérozygote obligatoire
  • Plus de 150 mutations différentes du gène du C1 inhibiteur, situé sur le chromosome 11
  • 2 types d'angio-œdème héréditaire (AOH) ; pas de différences cliniques (dans 25 % des cas, mutation de novo : l'absence d'ATCD familiaux n'exclut pas la maladie) :
    • AOH type I : 85 % des AOH :
      • lié à un défaut de synthèse du C1 inhibiteur
      • taux de C1 inhibiteur < 30 % valeur normale
    • AOH type II : 15 % des AOH :
      • lié à la production d'un C1 inhibiteur non fonctionnel
      • taux de C1 inhibiteur normal, mais anomalie du dosage fonctionnel
    • AOH type III : exceptionnel (= angio-œdème œstrogène dépendant) :
      • principalement chez les femmes
      • majoré par la grossesse et les œstrogènes
      • lié à des mutations sur le gène du facteur XII essentiellement avec des dosages du C1 inhibiteur quantitatif et fonctionnel normaux

FORME ACQUISE

  • Pas d'ATCD familiaux
  • Début des crises à l'âge adulte
  • Les dosages de C1 inhibiteur quantitatif et fonctionnel sont normaux
  • Le dosage du C1q est abaissé
  • Associée à un syndrome lymphoprolifératif, une vascularite, une dysglobulinémie, des inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, des ARA II ou des antidiabétiques type gliptines

Bibliographie

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  • Gompels et al. C1 inhibitory deficiency: consensus document. Clin Exp Immunol 139: 379-94; 2005
  • htpp://www.orphanet.net
  • htpp://haecanada.com

Auteur(s) : Bernard FLOCCARD